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Voyage botanico-touristique dans le Sichuan (juin-juillet 2017)

Rédacteur : Hervé Mureau


La Chine : fantastique vivier de plantes & arbustes en tous genres, c'est bien le cas de le dire... Il suffit de se promener dans nos jardins en y faisant l'inventaire des végétaux qui en sont originaires pour s'en rendre compte. Le sud-ouest du pays, sur les premiers reliefs orientaux de l'Himalaya, présente des forêts mixtes comptant parmi les plus riches en termes de biodiversité, toutes régions tempérées confondues.


C'est accompagné de Valérie Guillaud, Brigitte & Pascal Prieur, tous 3 arbusticulteurs et amateurs de plantes éclairés, que j'ai eu l'occasion de découvrir une partie de cette région. Au cours de l'été 2017, nous avons pu, accompagnés d’un guide chinois, passer près de 3 semaines à travers les reliefs de l'Ouest de la région de Chengdu (capitale du Sichuan), jusqu’au Tibet Oriental, situé plus à l'ouest.

Notre périple débute dans la région du Mont Emei, à 2 heures de route au Sud-ouest de Chengdu. Il s'agit d'un haut lieu religieux et touristique de renommée nationale, où les chinois en provenance de tout le pays se rendent en bus par milliers. En haute saison, cela ne va pas sans occasionner quelques bains de foule et interminables processions sur les sentiers qui le parcourent. En outre, cette montagne, dont le sommet culmine à près de 3100m, est d'une richesse botanique reconnue internationalement. Sous un climat subtropical humide montagnard soumis à la mousson (saison des pluie estivale dans le sud de l'Asie), la montée en bus jusqu'au parking d'où part le sentier qui mène au sommet vous met déjà l'eau à la bouche, et surtout le nez collé à la vitre... les 1000 mètres de dénivelés parcourus (de 1400 à 2400m environ) offrent une profusion de Cornus kousa var. chinensis – immanquables en pleine floraison en juin avec leurs bractées blanches, spirées, érables, sorbiers, Euptelea, divers Rubus, Cornus controversa, divers Actinidia, clématites et lianes variées, bambous... Le géant Phyllostachys edulis (20 à 25m de haut) y est commun entre 800 et 1500m où il est exploité, avant de laisser place à un autre bambou appartenant au genre Yushania – bien plus petit et d’aspect chétif, à des altitudes plus élevées.


Sortis du bus, vers 2400m, il faut se rendre à l’évidence que la plupart des essences aperçues au cours de la montée ne poussent déjà plus à cette altitude, et qu'on ne les reverra sûrement pas, du moins avant la redescente... donc, en bus ! Quelle frustration d'apercevoir ces superbes cornouillers à bractées en roulant et de n'avoir pu s'en approcher le temps d'une poignée de minutes. À part cela, l'air est frais, le soleil puissant et éblouissant - lorsqu'il parvient ponctuellement à percer la brume omniprésente à cette saison. Fort heureusement, pas de pluie. Nous sommes en juin, en altitude. Le tropique n'est pas très loin et le soleil proche du zénith à la mi-journée. Ça se sent, même à travers les nuages. Nous amorçons la montée vers le sommet, dans un flux quasi ininterrompu de marcheurs chinois... Pour parcourir les 600m de dénivelés, environ 2h d'ascension sont à prévoir pour un marcheur « normal », mais vous pouvez sans problème prévoir le triple si vous êtes féru de botanique. En effet, la dernière montée est riche de plantes et d'espèces d'arbustes de toutes sortes. Les genres communs dans nos jardins : Viburnum, Philadelphus, Spiraea, Deutzia, Rosa, Rubus, Acer ou encore Lonicera sont particulièrement bien représentés, avec jusqu'à 5 à 6 espèces différentes cohabitant dans ces mêmes milieux subtropicaux d'altitude. Une diversité aussi inhabituelle qu’impressionnante lorsque qu’on débarque fraîchement d’Europe occidentale. En approchant du sommet, dénaturé par de trop nombreuses constructions dont certaines en cours, cette diversité évolue et se réduit au profit de sapins (Abies fabri) et autres conifères (Tsuga chinensis, Juniperus sp.).


Deux jours plus tard, nous voilà rendus sur les hauteurs de la petite ville assez bucolique de Moxi (prononcer « Mochi ») près d'un autre site touristique de renom : le Parc National du glacier d'Hailuogou, au pied du Mont Gongga – point culminant du Sichuan du haut de ses 7556m, accessoirement 11ème plus haut sommet de la planète. Sans toutefois monter si haut, nous sommes toujours dans les nuages, et cette fois sous la pluie... Une superbe promenade balisée en forêt nous mène jusqu’au pied du glacier, vers 3500m. Là encore, la montée en bus depuis l'hôtel (situé à 1600m) apporte son lot d'émerveillements... et de frustrations. Sur les pentes extrêmement abruptes de la vallée, c'est souvent à se demander comment la végétation, les arbres, parviennent à se maintenir. Scotchés derrière la vitre du bus, nous apercevons, mêlés dans une verdure luxuriante, de superbes sujets de Cercidiphyllum japonicum (Arbre aux caramels), Tsuga chinensis, Acer sterculaceum subsp. franchetii, Betula utilis ou encore Pterocarya macroptera et ses spectaculaires inflorescences pendantes de 70cm de long, pour ne citer qu'eux. En sous-bois, un spectaculaire rhododendron à feuilles gigantesques se partage l'espace avec d'autres érables arbustifs (Acer stachyophyllum subsp. betulifolium – érable à feuille de bouleau), Rubus. Plus haut, au pied du glacier vers 3500 mètres, règnent en maître quelques espèces de rhododendron, en fleurs (R. orbiculatum) mêlées à des spirées, chèvrefeuilles, hortensias, noisetiers du Yunnan (Corylus yunnanensis), abélia uniflore (Abelia uniflora), clématites du groupe montana et une multitude d'espèces vivaces & herbacées alpines. À notre grande surprise, nous constatons que de nombreux arbustes à floraison typiquement printanière chez nous (lilas, spirées, rhododendrons, rosiers...) fleurissent ici fin juin, en début d'été, et que les arbustes à floraison estivale chez nous (buddléias divers, spirées dites d’été) n'étaient pas encore en bouton. Rappelons que nous nous trouvons sur le 30ème parallèle, soit à une latitude plus de 1500km au sud de celle du centre de la France, mais à plus de 3000m d’altitude... Nos repères habituels sont devenus totalement obsolètes.




La seconde partie du séjour, nous avons quitté les versants arrosés par la mousson pour des contrées visiblement plus sèches, plus fraîches et globalement plus élevées. L'architecture, la cuisine, les gens, plus généralement la culture changent aussi radicalement. Bienvenue au Tibet oriental. La transition s'effectue de manière très spectaculaire, en l'espace de quelques kilomètres via le franchissement d'un col à près de 4300m, sur les hauteurs de la ville de Kanding. Soudain, les 4000m d’altitude dépassés, tout devient pelé, plus aride, et le panorama offert de l'autre côté est tout aussi saisissant de contraste avec la semaine écoulée dans les vallées arrosées à la végétation luxuriante.



Bref, au Tibet oriental, on change radicalement de décor. La végétation suit : reliefs pelés à perte de vue avec quelques sommets enneigés au loin, yacks, ciel plus dégagé... Dans un premier temps, sur les hauteurs, la végétation arborescente semble se limiter à quelques bosquets de peupliers, souvent en ripisylve, le long de ruisseaux ou petites rivières des plateaux d'altitude.


Un peu plus loin, nous sommes frappés par les versants bien exposés (adrets) entièrement recouverts d'un chêne arbustif persistant dont le revers des feuilles est recouvert d'un tomentum de couleur rouille : vraisemblablement Quercus guajavifolia. Néanmoins, nous n'avons pas trouvé le moindre gland ni la moindre cupule pour nous conforter dans cette détermination. Il est fort probable que la faune locale soit passée avant nous.


Plus bas dans les vallées (« plus bas » sans toutefois redescendre en dessous de 3200m... c’est tout relatif), on découvre de nouvelles espèces, qui semblent acclimatables dans nos jardins ou l'on en retrouve d’ailleurs certaines. Nous avons identifié Acer longipes, un cousin chinois de notre érable plane,

proche de l’érable de Cappadoce mais à développement plus modeste, qui pousse le long des cours d’eau. Également en fond de vallée, on reconnaît nettement Cornus macrophylla, ici en pleine floraison. Rien de surprenant : son aire de répartition gigantesque s'étend de l'Himalaya au Japon. Clematis tibetana ou une espèce proche du groupe orientalis, ainsi que d'autres espèces à fleurs campanulées, se rencontrent également, parmi Indigofera sp., Syringa, Buddleja divers, ou encore Koelreuteria paniculata. Parmi les vivaces, le remarquable Thalictrum delavayi, atteignant 2 mètres avec ses inflorescences légères, presque vaporeuses, d'un bleu violacé profond, parfois jaune soufre, attire toute notre attention. En remontant une piste dans la vallée, se mêlent rosiers divers, Berberis, spirées, Sibiraea, rhododendrons, sophoras épineux, le tout sous des forêts relativement ouvertes clairsemées de conifères : Pinus yunnanensis, Picea asperata, l'immanquable Abies squamata et un mélèze - vraisemblablement Larix potaninii. À ma grande surprise, certains lieux m'ont évoqué des paysages et écosystèmes d’apparence similaire précédemment observés dans le nord-ouest de la Californie.























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