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Photo du rédacteurJames

L’influence des modes de culture des ligneux sur leur résistance à la sécheresse

Dernière mise à jour : 25 nov.

La résistance des végétaux à de longues périodes de sécheresse est au cœur des débats depuis quelques années maintenant. Depuis la canicule de l’été 2003, et plus récemment celle de l'été 2022, cela préoccupe autant les particuliers que les professionnels de l’horticulture. Malgré cette prise de conscience (tardive), je ne suis pas sûr que l’on se pose les bonnes questions. Choisir des végétaux résistants au sec semble être la préoccupation majeure. Pourtant, bien d’autres éléments vont influencer la capacité d’une plante à résister ou non à des épisodes de sécheresse prolongés. Avec l’expérience, on réalise à quel point la culture d’une plante en pépinière va influencer sa reprise et sa capacité à résister aux différentes agressions de la nature.  

Mode de multiplication : semis, bouture, greffe ou in-vitro? 

Cela peut paraître évident, mais la culture d’une plante à partir d’une graine reste et restera le meilleur moyen de la multiplier. Pourtant, parmi les ligneux commercialisés dans les pépinières, jardineries et autres, très peu (pour ne pas dire aucun) sont issus d’une graine. Seules quelques petites pépinières spécialisées pratiquent cette technique de multiplication. Cela vient principalement de notre obsession à vouloir améliorer (selon nos critères) le monde végétal en créant des variétés et hybrides de plus en plus complexes. Ainsi, pour conserver ces « plantes-objets » qui, pour certaines, n’ont plus grand-chose à voir avec ce que l’on trouve dans la nature, on est obligé de les cloner. C’est comme ça que la bouture, la greffe et la pire technique de toute, la multiplication in-vitro, sont désormais privilégiées.

Je précise quand même que je ne suis pas totalement opposé à ces techniques, cela permet notamment de conserver des taxons qui ne fructifient pas ou qui ne produisent pas de graines viables. Ce qui me gêne profondément, c'est qu’on ait mis de côté à ce point l’utilisation de graines. L’idée n’est donc pas de passer d’un extrême à un autre, mais de trouver un juste équilibre et remettre l’utilisation de graines dans la balance. Ainsi, lorsqu’on cultive un ligneux à partir d’une graine, on constate tout de suite des différences par rapport à un équivalent issu de bouture, greffe ou in-vitro :

  • l’enracinement est homogène (nombreuses racines qui partent dans toutes les directions) et dans certains cas (Quercus, Aesculus, Fagus…) on constate le développement d’un pivot racinaire profond.

  • on ne peut qu’admirer le développement d’un système aérien propre à la génétique de la plante, avec, chez les ligneux acrotones, la mise en place d’un axe dominant issu du bourgeon apical. Dans le cas d’une bouture ou d’une greffe, on utilise l’extrémité d’une branche latérale. Une fois racinée, la plante se développe généralement de façon anarchique. Le pépiniériste doit alors intervenir pour sélectionner une « flèche » de substitution. Concernant les ligneux basitones, la plus-value du semis est moins flagrante, dans la mesure où ils se développent et se renouvellent depuis la base et non à partir d’un axe central.

  • la croissance est généralement plus vigoureuse, notamment grâce au système racinaire plus développé. Aussi, la plante résiste mieux aux maladies et différentes attaques extérieures.  


Croissance vigoureuse - Quercus saltillensis (issu de semis) - Arboretum des Pouyouleix
Développement d'un axe dominant - Schima sericans (issu de semis) - Arboretum Cimetière Parc (Nantes)

Substrats de culture hors sol : tourbe, argile, matières organiques, engrais? 

La question du substrat est selon moi d’une importance capitale. La plupart des pépiniéristes utilisent des substrats à base de tourbe, écorce de pin et engrais (organiques ou synthétiques) dans des proportions variables. La tourbe fonctionne comme une éponge et nécessite d’être arrosée quasi quotidiennement afin de rester humide. En cas d’oubli, la tourbe sèche rapidement et il est difficile de la ré-imbiber. Il ne reste plus qu’à plonger la motte de la plante dans une bassine d’eau pendant 1 à 2 minutes. L’écorce de pin sert surtout à alléger le substrat et apporte éventuellement un peu d’acidité. Jusqu’à maintenant, avec ces éléments, il n’y a pas grand-chose à manger, il faut donc ajouter des engrais. Généralement riches en azote, ils vont favoriser la partie végétative de la plante pour qu’elle soit vigoureuse et donc plus facile à vendre. Il en résulte que la partie aérienne de la plante, revigorée à l’engrais, ne correspond pas au système racinaire, qui lui n’a pas suivi, principalement par manque de place. Tout va bien tant que la plante est arrosée tous les jours. Les problèmes commencent à partir de la plantation en pleine terre, car les feuilles vont transpirer plus vite que ce que les racines vont pouvoir absorber d’eau dans le sol. Cela se vérifie surtout si vous plantez tardivement (hiver-printemps). En cas de plantation précoce, en septembre-octobre, il y a davantage de chance que la plante produise des racines avant l’hiver et qu’elle s’en sorte mieux lors des premières périodes de sécheresse.

Mélange "traditionnel" : tourbe, écorce de pin, engrais de synthèse
Mélange vivant : humus, argile, limon, gravier

Pourtant, la réponse est sous nos pieds : il suffit d’observer notre environnement pour comprendre. L’idée est de faire le moins de différences possibles entre le substrat de culture en pépinière et le sol dans lequel la plante sera installée définitivement. Dès la culture en conteneur, il est possible d’utiliser un mélange d’éléments que l’on va retrouver naturellement dans le sol : de la matière organique stable (humus), de l’argile, du limon, du sable, des cailloux… Dans 75% des cas, on va utiliser un mélange standard composé de 35% de terre « végétale » argilo-limoneuse, pour la rétention d’eau, 35% d’humus (matière organique stable), pour l’apport nutritif (et la structuration de la terre) et 30% de sable-gravier alluvionnaire, pour le drainage. On peut facilement changer ces proportions selon les besoins spécifiques de la plante.

Dans un tel mélange, les racines vont se développer naturellement, de façon homogène et surtout en volume plus important que les parties végétatives. On inverse ainsi la tendance, on obtient plus de racines que de branches feuillées, comme c’est le cas dans la nature. [Contrairement aux idées reçues, si on lui en donne la possibilité spatiale, le système racinaire d’un arbre se développe bien au-delà de l’emprise du houppier.]

Dans ces conditions de culture, une fois en pleine terre, les racines ne font pas de différences entre le substrat utilisé en conteneur et le sol qui les entourent. L’acclimatation se fait en douceur et lorsque les premières périodes de sécheresse arrivent, les racines, présentes en quantités proportionnelles aux parties aériennes, savent faire face et alimentent correctement la plante en eau et sels minéraux. Une surveillance estivale est néanmoins nécessaire le premier été en cas de longues périodes sans eau. Pendant la période de culture en pépinière, l’arrosage des végétaux en conteneurs est fortement réduit. En plein soleil, en l’absence de précipitation, avec des températures entre 25 et 30°C, 1 à 2 arrosages (manuels) par semaine sont nécessaires. Entre 30 et 35°C, 2 à 3 arrosages (manuels) par semaine sont nécessaires. Quand l’occasion se présente, il est donc possible de partir en weekend sereinement. Bien sûr ces données sont variables selon les régions, l’environnement de la pépinière, etc.

En définitive, on peut dire que pendant la phase de culture, les arrosages sont au moins divisés par 2. Malgré tout ces éléments positifs, il y a quand même un problème de taille: le poids du conteneur ! L’argile est bien plus lourde que la tourbe, les conteneurs sont donc facilement 3 à 4 fois plus lourds, ce qui n’est pas négligeable. Il faut donc favoriser des conteneurs munis d’anses sur les côtés, portables à 2 personnes ou tout simplement planter des petits sujets. Idéalement il faudrait vendre vite et bien. Certains diront que cette méthode n’est pas viable économiquement et poserait trop de problèmes, lors des fêtes de plantes par exemple, notamment à cause du poids des plantes. Un compromis peut certainement être trouvé, notamment chez les grosses structures. 

A gauche, un Magnolia cultivé de manière "traditionnelle" : substrat tourbeux, issu de bouture, conteneur standard. A droite, un Magnolia cultivé de manière respectueuse : substrat argileux, issu de semis, conteneur de volume adéquat au bon développement des racines

Diversité des conteneurs : le même pour tout le monde ? 

Dernier élément déterminant dans la culture d’une plante, le type de conteneur utilisé. Le développement racinaire, surtout chez les arbres, est probablement l’aspect le plus méconnu du monde végétal. Difficile de connaître ce qu’on ne voit pas. Cela dit, après quelques années sur le terrain, à force d’observations et de pratiques, l’obscur monde des racines commencent à s’éclaircir. Il est donc évident que les racines se comportent de façons très variées. Pourtant, la plupart des pépiniéristes utilisent le même type de conteneur pour toutes leur plantes. Seul le volume change, mais pas la forme. Il faudrait pourtant faire du cas par cas et adapter le conteneur aux différents développements racinaires. Quelques exemples basiques :

  • les genres Quercus, Aesculus, Fagus (et bien d’autres) ont tendance à mettre en place un système racinaire pivotant (si issus d’une graine) et apprécieront un conteneur au moins 2 fois plus haut que large. Il faudra aussi penser à planter ce type de végétaux rapidement pour que le pivot ne tourne pas sur lui-même dans le fond du pot.

  • les genres Acer, Prunus, Rhododendron, Magnolia (et bien d’autres) ont tendance à mettre en place un système racinaire traçant et apprécieront un conteneur au moins 2 fois plus large que haut. Il faudra aussi penser à rempoter souvent ce type de plante dont les racines se développent rapidement et dans toutes les directions.

Conteneurs de volumes et formes variés

Ainsi, les pépinières devraient utiliser des pots de formes différentes et ce, avec différents volumes. Le Air-pot® peut être une bonne alternative, à condition de prendre en compte le mode de multiplication et le substrat. Cf. article : https://www.arbusticulteurs.com/post/culture-hors-sol-retour-d-exp%C3%A9rience-d-adh%C3%A9rents-arbusticulteurs

A l’heure où les collectivités et particuliers plantent de plus en plus de ligneux en milieu urbain pour faire face au réchauffement climatique, les pépiniéristes ont un rôle majeur à jouer. Il est temps de privilégier la qualité à la quantité et les modes de culture des végétaux doivent être reconsidérés pour trouver un compromis, à la fois viable économiquement et dans le respect du vivant. Ce dernier aspect est primordial, les végétaux sont bien des êtres vivants : uniques, imprévisibles, capricieux, généreux, atypiques… Arrêtons de les considérer comme des objets, façonnés à notre image, élevés pour ne servir que nos intérêts et rien d’autre.

 

Quelques exemples de pépinières qui travaillent dans le respect du vivant :

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